AvisLitteraire : Piotrus de Leo LIPSKI (Ed. L'arbre Vengeur)

 


Bonjour,

Nouvelle chronique en retour de lecture : "Piotrus" de Leo Lipski aux éditions L'arbre Vengeur.

Téhéran. Piotrus se vend au marché. Une dame du nom de Mme Zinn l'achète pour le mettre dans les toilettes de son immeuble pour pas que ces locataires, mauvais payeurs, utilisent les toilettes. Un stratagème pour les faire partir. Elle lui confie un volume encyclopédique qu'il n'ouvrira jamais.

De temps en temps, la nièce nommée Batia vient lui ouvrir et l'emmène en ballade, lui fait découvrir des contrées qu'il n'a jamais vues ou entendues parler, rencontre des gens plus ou moins spécifiques. Mais surtout, la jeune femme l'ensorcelle, il est subjugué par ce petit bout de femme indépendante, si fragile.

Une lecture pour le moins étrange, mais tellement en dehors des clous des classiques lignes éditoriales exigées. Et ça fait du bien ! C'est tellement à l'Ouest de tout ce que vous avez connu, pourtant le lecteur se balade gaiement au travers du souk de Tel-Aviv, entre le quartier arabe et juif, entre odeurs et visuels qui donnent envie de s'évader et d'y passer ses prochaines vacances.

Les descriptions sont étonnamment vivantes, lyriques, bruyantes, animées. Le burlesque, tout autant que le grotesque, s'invite avec son étonnante acceptation de se voir transformer en chien par Mme Zinn, tout ça pour avoir le droit de sortir un peu de ses toilettes où le soleil le brule, il multiplie les positions contorsionnées, écoute et apprends de ce qu'il entends. Il vivra également une bien belle expérience sexuelle avec la jeune Batia. 

Ce petit roman est surtout une ode à la vie, la réflexion sur l'enfermement, celle de jouir du peu de liberté accordée, de combler le vide qui nous obsède. Ce Piotrus nous exaspère comme il nous émeut. Il a décidé de lier son destin aux toilettes d'un immeuble, là où se déverse le déchet de la société, au sens propre comme au figuré. Il vit au rythme de ses découvertes, avec ces quelques scènes sordides de femmes, d'ânes ou encore d'enfants. (je n'en dirai pas plus, à vous de faire jouer votre imaginaire à défaut de lire ce récit)

Un livre que je qualifierais d'OLNI* (Objet Litteraire Non Identifié) qui se fond bien dans le paysage littéraire, en total décalage avec son temps et son époque. Il continue à ce jour à subjuguer, à intriguer et à ne rentrer dans aucunes des cases littéraires classiques existantes. Et c'est tant mieux car inclassable il est, intemporel il restera. 

Bonne lecture, amis Lecteurs

Un grand merci à l'éditeur rencontré sur le salon du livre à Bordeaux qui m'a fait découvrir cet ouvrage.

Extrait : C'était en Palestine, en Terre Sainte, un jour de printemps de 194... En ce temps-là, forcé par les circonstances et certaines dettes morales, je suspendis au-dessus de ma tête une grande pancarte portant l'inscription rédigée en allemand, hébreu et anglais : A vendre Piotrus vêtements compris.

Commentaires